samedi 1 septembre 2007

Untel

Facebook, vous connaissez?
À voir la quantité de personnes que j'y retrouve, assurément, oui, vous devez connaître...
C'est un site internet sur lequel on s'inscrit, on s'affiche, on met en ligne ses photos, on retrouve des amis perdus de vue depuis longtemps...

C'est sympathique. Des heures de plaisir. Des "qu'est-ce que tu deviens" à la pelletée, et des tonnes de trois petits points dans ce qu'on envoie comme réponse. Des tonnes d'occasions de se définir et de tenter de résumer sa vie de façon plus ou moins glorieuse en quelques brefs paragraphes.
Sympathique, donc, mais en même temps...
...étrange.

Ben... pour rejoindre mes amis, le téléphone, il paraît que ça marche encore.
Et puis, il y a les emails.
Et pour les amis perdus de vue...
Je veux dire... je ne voudrais pas diminuer l'importance de qui que ce soit, et il y a bien des personnes que je suis très contente d'avoir retrouvées sur facebook, mais techniquement, comme ils étaient perdus de vue... je peux vivre sans.
Et d'un autre côté, j'ai envie de savoir ce que chacun est devenu...

Soyons honnête, il y a bien un peu de curiosité là-dedans. Je ne dirai pas qu'en chacun de nous sommeille une mémère-potineuse-de-village, je vais me contenter de dire qu'en moi, il y en a une. Une p'tite senteuse fatiguante, comme le personnage de Marie-Lise Pilote qui espionne les voisins avec ses jumelles. Une mémère, pas pour mal faire, là... juste par curiosité. Qu'est-ce qu'untel est devenu, une telle a-t-elle des enfants, ces deux-là sont tu encore ensemble, celui qui avait des meilleures notes que moi est-il devenu médecin, lui, au moins... Le genre de voix intérieure qui ressort à l'occasion d'un conventum du secondaire, mais qui, grâce à la magie de l'internet, peut maintenant transformer ma cervelle en bavasserie de basse-cour à l'année longue.

Bon, ça, c'est pour la part de curiosité. Il y a bien autre chose, quand même, qui nous pousse à vouloir retrouver de vieilles connaissances... Un peu de nostalgie, sûrement. L'envie de ratrapper le temps perdu, aussi. Mais si je suis vraiment honnête avec moi-même, et donc avec vous qui me lisez, je dois admettre qu'elle est forte, l'envie de voir si je suis "comme les autres". Docteur, j'ai trente ans, j'ai encore la bougeotte, je déménage à tous les ans, je suis déjà divorcée, je ne sais pas encore ce que je vais faire de ma vie... Suis-je normale? Et les autres, eux... comment ils sont?

Je ne sais pas vous, mais moi, savoir que untel a vachement bien réussi et que une telle a embelli et qu'elle vit en Espagne, ça m'écoeure. J'aime bien savoir qu'on grossit, qu'on ramollit, et qu'on a notre lot d'épreuves. J'aime bien savoir que je ne suis pas toute seule.

Moi, savoir qu'untel est un loser, ça me fait du bien, ça me rassure. La pression tombe. Plus besoin d'impressionner et d'être la meilleure si je sais déjà qu'au moins, je ne suis pas la pire.

...

C'est moche, hein?

Toujours la petite voix intérieure qui compare, qui zyeute, qui checke, qui évalue.

Ben voilà: je n'ai jamais été particulièrement en faveur des fameux bulletins scolaires avec des lettres, des étoiles et des bonhommes sourires au lieu des chiffres et des pourcentages... je n'ai jamais été particulièrement contre non plus, en fait je ne me suis jamais tellement sentie concernée par le sujet, pour être franche... mais j'avoue qu'au fond de moi, quand le sujet refait surface au bulletin de 18h00, j'ai toujours plutôt tendance à défendre notre bon vieux fonctionnement traditionnel.

"La réalité, c'est que tout le monde n'est pas également doué."
"Oui mais... chacun a ses forces et ses faiblesses. "
"Ne devrions-nous pas préparer nos jeunes à affronter la dure réalité de notre société axée sur la performance?"
"Oui mais... ne sommes-nous pas en train de perpétuer ce fonctionnement justement en formant nos jeunes à coups de chiffres, de comparaisons, de cotes et de pourcentages?"

Enfin bref, toute argumentation vaut ce qu'elle vaut, et ça pourrait continuer comme ça longtemps... Pour ma part, je me demande simplement si les bulletins chiffrés n'auraient pas donné naissance à une génération de gens qui se comparent. Qui retrouvent l'impression de leur propre valeur seulement lorsqu'ils arrivent à se dire "yessss, j'ai eu la meilleure note". Ou bien si ça fait simplement partie de la nature humaine, peu importe le type de gribouilli présent sur les bulletins.

Quoi qu'il en soit, facebook, c'est le paradis des curieux.
Surtout des curieux qui veulent savoir si untel est pire ou mieux qu'eux.

* * *

Lui: "À qui t'écris?
Elle: -Un ami sur facebook. Un gars du secondaire.
Lui: -Ah..."

...

"C'est qui ça, la nouvelle fille qui est dans tes contacts?
-C'est Josianne.
-... LA Josianne?
-Oui oui, c'est elle.
-Ah. C'est elle qui t'as trouvé, ou c'est toi?
-Elle.
-Ah."

...

"C'est drôle, y'a plein de gars qui ont le même nom que mon ex sur facebook.
-Pourquoi, ...tu le cherches?
-Ben non, là, je checkais juste comme ça, pour le fun.
-Ah..."

...

"Eille, c'est spécial, j'ai une amie du primaire qui m'a retrouvé.
-Ah ouin? Bizarre, ça.
-Quand on était petits, elle était boulotte un peu, tout le monde la niaisait avec ça.
-Ah.
-Elle est rendue pas mal pitoune.
-..."

...

"J'ai un vieil ami, on faisait de la musique ensemble au secondaire...
-...et?
-ben, on s'est retrouvés, mais il me répond jamais. C'est platte.
-...
-Je l'aimais bien, cet ami là... C'est poche qu'il me réponde pas.
-Ben là, ça a dont ben l'air de te déranger..."

...

"My God, est dont ben belle, cette fille là... c'est qui?
-Elle? Ah, personne... une fille que j'ai connue au cégep.
-Une amie?
-Oui. Tsé, la chanteuse dont je t'ai parlé qui a eu plein de contrats super payants?"
-Bon, une autre affaire..."

...

Facebook, terre fertile pour la jalousie, aussi.
Mmmh, je pense que ce sera le thème d'une autre séance, docteur.