jeudi 26 avril 2007

Techno Zen

4 février 2007

"Venez par ici, j'ai exactement ce qu'il vous faut."

Les vendeurs ont toujours l'air de VRAIMENT savoir de quoi ils parlent.
Ça nous met presque en confiance.

"Hum... c'est bizarre, je le trouve pas..."

Bon. Ça peut arriver à tout le monde d'être un peu mêlé, que je me dis.

"Attendez, je vais aller vérifier dans le système informatique...
- ...
- Euh...
- ...
- Ah bon! Ok! Je l'ai!
- ...
-Hum, c'est un modèle qui n'est pas encore arrivé en magasin, mais on devrait l'avoir dans quelques jours. Un portable qui ressemble au Toshiba que je vous ai montré tout à l'heure. Un modèle plus récent, plus puissant, mais pas trop non plus. Ce serait parfait pour vous.
- Combien de mémoire y'a là-dessus?
- Euh... je suis pas sûr... C'est pas inscrit dans les infos du système...
- Et la mémoire vive?
- Mmmm, pas sûr non plus, mais d'après ce que je sais, il serait parfait pour vous... Vous savez, je connais ça, l'enregistrement audio, je sais c'que ça vous prend...
- Est-ce qu'il a un graveur DVD?
- Mmm, pas sûr...
- Et une carte réseau sans fil?
- Pas sûr...
- Et le prix? Il est combien, cet ordi là?
- Euh... ben... pas sûr...
- Ah bon. Ben je suis pas sûr qu'on va l'acheter."

Je vous présente mon chum, accompagné de deux de ses innombrables utilités (et qualités) : connaître les ordis, et avoir le sens de la répartie avec les vendeurs. :O)

* * *

Quelques et heures et un gros achat plus tard...

"On l'a acheté tantôt, en fait on vient pour un problème...
- Oui, quand on a essayé de l'ouvrir, ça ne fonctionnait pas.
- Windows a l'air d'avoir été mal installé..."

Nos fameux vendeurs de cossins technologiques ont généralement le don de me faire sentir petite. Ben, celui-là, du moins. Bon, je ne mesure même pas 5 pieds et 6 pouces, alors avec moi, c'est facile, vous me direz... Mais ce n'est pas ce dont je parle. Je parle de se sentir comme une complète imbécile alors qu'on n'est qu'une simple cliente qui vient de dépenser 3 payes pour un ordi et qui constate bêtement en arrivant à la maison que son achat chéri ne marche juste pas.

" (Regard hautain du vendeur qui signifie: 'Bon, encore des épais qui savent pas comment allumer un ordinateur, maudit que les gens connaissent rien...')
- C'est ça, tu vois, c'est exactement ce message-là qu'il a indiqué chez-nous, explique mon chum, plein de calme et d'assurance.
- Pis on l'a refait plusieurs fois: toujours la même chose, risque-je, presque déjà sur la défensive
- Comme si Windows n'était pas bien installé, en tout cas pas installé complètement, précise mon chéri d'un ton de connaisseur.
- Ouin, ajoute-je.
- (soupir de la part du vendeur)"

À ce stade-ci de l'expérience, j'imite mon ami le vendeur, jusqu'à me laisser aller à soupirer publiquement d'insatisfaction. C'est rare que ça arrive, mais puisque l'occasion s'y prête, je sors mon attitude d'impatience du dimanche. Heureusement que mon chum est venu avec moi, parce que je ne suis pas sûre que je survivrais à cette mise en doute de mes capacités intellectuelles sans son support moral. Mieux vaut être deux à se faire prendre pour des épais.

Ils ont leurs codes, ces vendeurs, ils se font des regards entre-eux, des regards qui ont l'air pleins de significations particulières. Si je n'avais pas si hâte de rentrer chez-moi avec mon nouveau laptop, je trouverais sûrement ça drôle de les voir se faire des levers-du-sourcil-gauche sans même se parler, comme des membres d'une espèce à part qui aurait ses propres petits rituels de communication bien à elle. Mais qu'est-ce que ça signifie tous ces demis mots et ces faces chargées de sens qui m'échappent? J'attends toujours le reportage captivant de Découvertes qui pourrait me renseigner à ce sujet.

Bref, après 4-5 codes visuels non-identifiés, le très volubile et très compatissant vendeur-beaucoup-plus-grand-que-moi a déclaré solennellement:

"Windows avait pas bien été installé. On va vous le changer pour un autre."

Victoire! Je ricanais intérieurement de joie, plus d'avoir eu raison que de voir enfin mon problème réglé. Ben, réglé... faut le dire vite. Ou plutôt, faut avoir une vision limitée des choses pour affirmer qu'un problème technologique puisse être réglé... Le problème technologique ne se règle jamais, au fond. Il ne se fait que remplacer par un autre, un peu plus tard... On ne sait jamais quand, mais il arrive, c'est sûr. Comme tous les types de problèmes, d'ailleurs.

Vu comme ça, c'est plutôt zen, l'informatique, non? :O)

Crache le ca$h

Un matin parmi tant d'autres, je me lève, j'ai bien dormi, il fait beau, et pourtant, je ne vais pas bien.

JE N'AI PLUS RIEN À ME METTRE!

Bon, ce n'est pas vrai: il me reste bien 2-3 t-shirts un peu trop étirés à mon goût et la fameuse paire de jeans que j'ai bien dû porter 300 fois juste dans la dernière année. Super.

Ça fait des semaines que ça dure, chaque matin c'est la même chose, la même hésitation au moment de me couvrir de mes somptueuses fringues, si bien que je me retrouve généralement à passer le plus clair de mon temps en pyjama. Excellent pour le moral.

Je ne sais pas ce qui fait qu'à un moment donné, on sent que ça suffit, mais là, ça y est, l'étincelle surgit dans ma cervelle, ça a assez duré. Je suis dûe pour la salle d'essayage. Je ne fume pas, je ne bois pas (ou presque), je ne vais pas chez l'esthéticienne 2 fois par semaine, je fais mes mèches moi-même plutôt que d'aller chez le coiffeur, je ne vais pas en voyage dans le sud durant l'hiver, ma télé est plus vieille que moi et mon divan est tout ce qu'il y a de plus usagé, bref, je suis sage sage sage. Je pense que j'ai le droit de m'acheter du linge.

Je cours au centre commercial, j'entre et me dirige immédiatement vers mon magasin de prédilection. Vous savez, celui qui nous fait dire : "Pourquoi aller ailleurs?" ;O) Je fouine dans les rayons et sans me préoccuper des prix, j'accumule une pile de morceaux de toutes sortes, tant et si bien qu'au moment de me présenter à la salle d'essayage, la femme qui m'indique quelle sera ma cabine me demande, l'air ahuri: "... Euh... Combien de douzaines??

- Quatorze.
- Bon, alors, si vous avez besoin d'autre chose, appelez-moi...
- Merci, mais je pense que je devrais m'en sortir avec le tas que j'ai là!"

...

...

Essaye, enlève, ré-essaye, re-déshabille, rhabille...

Comme d'habitude, la moitié des trucs ne font pas.

Ne reculant devant rien, je me livre à l'exercice de la "razzia-prise-deux". C'est fou comme il y a toujours pleins de trucs intéressants qui nous échappent lors de notre premier passage dans les rayons, comme des phrases d'une chanson qu'on ne comprendrait bien qu'à la deuxième écoute.

Je me représente aux salles d'essayage armée de ma montagne numéro deux. Camisoles, pantalons courts pour l'été, blouses, petites vestes, tout y est.

La plupart du temps, le scénario est le même jusqu'ici, sauf que la fin prend généralement une tournure différente: après des heures d'essage et de confrontation visuelle en tête-à-tête avec mon reflet, je me retrouve bredouille, et je repars la mine basse avec mon ti-chandail en spécial à 10$.

Et là, je ne sais pas pourquoi, mais....

BINGO!!! J'ai gagné à la loterie des gens bien habillés: tout me fait comme un gant! Tant pis pour l'argent, je prends tout!

Je me pointe à la caisse, j'ajoute des p'tits bas à mon épicerie-de-linge-volume-club-price, et pendant que la caissière plie consciencieusement mes nombreux items, j'attends patiemment qu'on me dise combien ça coûte.

"Deux mille trois cent et vingt, s'il vous plaît."
- ...
- Madame?
- ... euh... C'est combien, vous avez dit?
- Deux mille trois cent et vingt... j'veux dire deux cent trente-deux dollars."

Et bien figurez-vous, l'espace d'une seconde, ça ne m'a même pas dérangée. Si j'avais eu les moyens, je pense que le deux mille dollars ne m'aurait même pas fait un pli sur la bedaine, tellement j'étais enchantée de dépenser pour me faire plaisir.

* * *

Avant de retourner faire ma traditionnelle parade de mode post-achat, je passe à l'épicerie chercher un pain. Oh bonheur, j'ose prendre le temps de me débarrasser de tout mon lourd petit change en payant, et ce même si déjà la file d'attente s'allonge derrière-moi. Et cerise sur le sundae, je me permets même de passer tout droit devant le quêteux du jour à la sortie, sans même le regarder, moi qui d'habitude perds de longues et précieuses minutes à écouter le baratin de tout un chacun avant de me confondre en excuses et de me sentir coupable de ne rien donner.

On a le droit, hein, de penser à soi? :O)

mardi 24 avril 2007

Être ou ne pas être...

J'avais plein de sujets rigolos pour vous ce soir, mais... comment dire... celui-ci s'impose de lui-même. Ce soir, je n'ai pas le choix. Pour les lecteurs en quête de divertissement léger, peut-être qu'une visite sur le site des Têtes à claques serait plus appropriée. (!)

Je suis retournée au gym aujourd'hui. Je dis "retournée", parce que j'ai été plutôt réservée côté entraînement depuis 2-3 semaines... Bon, je m'ennuyais des vestiaires tout propres de MON gym, et aussi des effets post-entraînement: les muscles endoloris dont on ne soupçonnait pas l'existence, la sueur, le repos et la collation mérités, tout ça. Donc, j'y suis allée.

Pédale, pédale, cours, pousse, lève, sue... Le tout sur un fond de musique poum-poum tout à fait stimulante. J'adore (ben quoi, on a tous un p'tit côté quétaine... non?)

Une fois la routine terminée, je m'en retourne au vestiaire, je marche d'un pas assuré, parce que j'ai toujours peur d'avoir l'air d'une pas-habituée-de-la-place. Donc, je fais comme quand je marche sur la rue passé minuit: je feins l'assurance. Une vraie sportive au-dessus de ses affaires. Je marche, et d'une façon ultra cool, je lève ma bouteille d'eau dans le but d'avaler ma dernière gorgée bien méritée... et dans le temps qu'il faut pour dire "pouet", je m'étouffe, mais alors là, pas à peu près, et paniquée par autant d'eau me passant par le mauvais trou, je crache violemment toute ma gorgée sur la céramique d'un plancher de douche qui passait par là.

Pour la grâce et l'élégance, on repassera!

Et là, (et c'est ici que mon sujet devient grave et sérieux) vous ne devinerez jamais la première chose que j'ai faite après avoir commis mon délit.

...

J'ai regardé à gauche, à droite, puis encore à gauche, comme quand on traverse la rue.

J'AI EU PEUR QU'ON M'AIT VUE!!

J'étais encore en train d'avoir cette agréable impression de mourir d'étouffement noyée par une gorgée d'eau, je toussais à m'en cracher les poumons, mes yeux rougis et larmoyants devaient sûrement sortir de leur orbite à chaque soubresaut de toux, et moi je regardais autour comme une dinde pour m'assurer qu'on ne m'avait pas vue!

Et bien, ça, les amis, c'est "ne pas être". Avoir honte d'une simple chose anodine, m'être étouffée avec de l'eau, sans même avoir fait exprès, tousser et faire du bruit, être là, exister.

* * *

M'en revenant du gym, j'arrête à l'épicerie. Je ramasse mes 2-3 trucs essentiels, me dirige vers la caisse supposée être rapide, je me mets en ligne et j'attends. Il n'y a pas trop de gens devant moi, ça ne devrait pas être long.

Une dame assez âgée arrive derrière moi. Sans même me regarder vraiment, elle me dit:
"J'ai juste une chose, c'est-tu correct si je passe avant?".

Bon, elle n'a qu'un truc. Mais moi, je n'en ai que 2-3... Elle pourrait attendre... Mais elle est âgée, ce qui, semble-t-il, est un argument de poids, puisqu'après un bref dialogue intérieur avec moi-même, je la laisse passer... pour ensuite me rendre compte qu'elle avait déjà au moins 5 articles de déjà déposés sur le comptoir, simplement elle en avait oublié un, qu'elle était retournée chercher sur les tablettes. Me semblait, aussi, qu'elle avait un air de madame âgée qui abuse des privilèges de l'âge en sortant son air de "je-fais-pitié-parce-que-je-suis-vieille".

Eh ben... Et moi, dans tout ça?
Moi qui étais justement dans une de ces journées où j'ai l'impression que c'est toujours inévitablement moi qui me tasse pour laisser passer les autres comme dans une séance de magasinage d'avant Noël beaucoup trop achalandée, et bien, je l'ai laissée passer, même si ça me faisait autant suer que ma séance de gym. Je n'étais pas pressée, juste tannée de toujours léguer ma place aux autres, de ne jamais dire non, de ne jamais dire ce qui ne me plaît pas, de devoir être gentille jusqu'à me sentir acculée au pied du mur. Évidemment, si j'avais refusé, je suppose que j'aurais été condamnée pour attentat à la vieillesse par les nombreux témoins de la scène, soit le sympathique pré-pubère préposé aux sacs ainsi que la tout-aussi-sympathique caissière. Assurément, j'ai bien fait d'opter encore une fois pour le "fermer-ma-gueule-et-ne-pas-être". Je ne voudrais pas me sentir obligée d'aller faire mon épicerie un coin de rue plus loin.

* * *

Plus tard dans la soirée, je m'en reviens chez-moi, et dans la voiture j'écoute une entrevue à la radio. C'est Christiane Charrette qui interview le comédien Fabien Dupuis. Il se livre sur le ton de la confidence avec nuance, bon goût et aisance, tellement que je monte le son et que je me mets à prêter plus attentivement l'oreille. Le constatant facile à faire parler, elle lui demande pourquoi il accepte de livrer aux médias autant de détails sur sa vie intérieure. Il répond, avec ma foi beaucoup de simplicité et d'acceptation de lui-même, que ça fait partie de la guérison, du processus. Se dévoiler. Arrêter de montrer ce qu'on pense qu'on devrait être, et montrer ce qui est: l'imperfection, les moins bons coups, ce qu'on pense, ce qu'on veut, ce qu'on ressent, d'où on vient, qui on est, ce que ça nous fait de vivre, bref, toute l'immense et fascinante partie de nous qui se cache sous ce qui paraît, sous la pointe de l'iceberg.

Être, ça pourrait être si simple, au fond.

lundi 23 avril 2007

Splish splash

Tout a commencé avec un peu d’eau.
Juste un p’tit peu d’eau, même pas un étang : une flaque sur le terrain, derrière la maison familiale.

Mon père, voyant la flaque stagnante, en a profité pour voir grand.

« Me semble ça s’rait beau, un aménagement paysager avec de l’eau…
-

-
Ben, j’sais pas, là, mais, me semble.
-

-
On pourrait mettre des grosses roches, là, pis 2-3 p’tites cascades, ça ferait un beau p’tit bruit. Pis au bout du parcours, un beau grand étang, juste là.
-

-
Tu trouves pas?
-
Ben j’sais pas, là…. Ouin, peut-être, si tu veux.
-
Avec des poissons pis toutte dans l’étang. »

En peu de temps, tout le monde y était, amis, matantes et mononcles, pour donner son avis. Plantes sorties à l’extérieur pour simuler l’emplacement des arbustes, fausses roches et autres objets charmants pour représenter les pierres et les nains de jardin, bruits de bouches enthousiastes pour donner un avant-goût du « beau p’tit bruit ».

Chhhhhh……..Chhhhhh……. pliiiiic…..plouuuuuuc….

Quelques semaines et 2-3 expéditions chez Rona plus tard, tout était là. Les plantes, les roches, l’étang, les poissons, les plic-ploucs qui donnent envie de pipi. Personne à vrai dire n’avait vraiment cru que ça se rendrait là; vous savez, mon père, des lubies, il en a eu plusieurs. Mais là, ça y était, et même, c’était beau.

« Ça serait le fun que l’étang soit plus grand encore…
-
Ah ouin, tu trouves?...Pourquoi?
-
Ben, le terrain est immense, pis l’étang est tu-seul, comme ça, tout petit au beau milieu.
-
Pis?
-
Me semble ça a l’air fou.
-
… (air désabusé)
-
J’avais pensé, aussi, tant qu’à le faire grand grand, pis à avoir à creuser pour le faire, on pourrait juste remplir le terrain d’eau.
-
Quoi??
-
Ben oui, tsé, la maison est dans le creux du terrain, il y en aurait à peu près jusqu’aux rebords des fenêtres, ça serait spécial, personne aurait jamais vu ça!
-
Ah ben oui, hein, pis tu pourrais te partir un élevage de nénuphars résidentiels, tant qu’à y être. »

Bon, je pense que c’est évident, j’étais sûre qu’il niaisait. C’est connu, moi, je suis poisson… j’ai donc embarqué sur le coup, m’inquiétant pour sa santé mentale, mais finalement, les changements de sujets ont eu raison de mon diagnostic, et je suis repartie chez-moi libre de toute inquiétude. Il m’avait sûrement niaisée. Et sinon, ben… que dire… ça lui passerait.

Vous vous doutez de la suite, non?

Lors de ma visite parentale suivante, c’était fait. L’étang tellement grand qu’il occupait tout le terrain. L’eau qui faisait des clapotis contre le bas des murs de la maison, comme contre une belle grande chaloupe. Charmant.

À vrai dire, c’est à partir de là que j’ai commencé à décrocher. Non mais, vous savez, avoir un père fou, ce n’est pas nécessairement facile. Faire la conversation, avoir l’air enthousiaste, intéressée, convaincue pendant que l’autre vous raconte des trucs tous plus abracadabrants les uns que les autres… sans compter les pantalons mouillés… Bref, j’ai décroché. J’ai divorcé mentalement du lien parental. Je suis partie ce soir là en me jurant que je ne reviendrais plus.

* * *

Pendant plusieurs mois, ça a été vrai, j’y ai cru, à mon divorce. Pas de nouvelles, pas de visite. Pas de email, de carte de fête par la poste, pas même de rencontre au restaurant. Rien.

Évidemment, ça n’a pas duré.

Je suis bien trop fille-à-son-papa pour ça. J’aime bien ma maman, aussi. J’y suis donc retournée, mais en exigeant de ma mère qu’on se rencontre d’abord, elle et moi, dans un endroit neutre.

« D’après toi, est-ce qu’il est viré su’l top??
-
Ben non… t’sais, ton père, il a toujours été un peu de même…
-
Comment, « de même »? Maniaque des étangs?
-
Ben non, pas pour les étangs. Pour toutte. Quand y part su’queq’chose, y part en grande.
-
Ouin. (dis-je d’un ton bête)
-
Pis y fait pas les affaires à moitié.
-
Tu l’as dit. (dis-je d’un autre ton bête)
-
Mais moi j’me dis : si ça le rend heureux, pourquoi pas.
-
Ben tiens.
-
Ah!! Lâche-moi ton air bête, ok? Moi aussi je trouvais ça fou, au début, surtout que les voisins nous parlent plus…
-
… Qu’est-ce qui t’a fait changer d’idée?
-
Ben, j’sais pas, au fond… Peut-être que j’me suis juste habituée à voir le décor de même, plein d’eau, les tapis d’entrée toujours mouillés, les clapotis contre les murs, les poissons qui sautent dans la cour… C’est juste pas habituel pour la plupart des gens, mais c’est comme n’importe quoi d’autre : on s’y habitue. Et puis ton père, depuis qu’il a son étang, j’sais pas ce qu’il a, mais… y’est pu pareil.
-
Pis ça, c’est bien ou c’est pas bien?
-
Non non, en bien, j’te jure! Il chiâle jamais sur rien, il est toujours content, les deux yeux dans la graisse de bine, il est affectueux…
-
Ok, ok, c’est beau!! Ça va!
-
Viens donc faire un tour, tu vas voir. Pis y va être content de te voir.
-

-
Envoye donc…
-
…mmmmouin. Ouin, ok. »

Cœur d’enfant, quand tu nous tiens…

J’y suis allée. C’est vrai que je m’ennuyais d’eux. J’suis pas le genre à parler à ma mouman au téléphone à tous les jours, comme d’autres filles que je connais, mais quand même. Des mois, comme ça, sans les voir… je me voyais déjà faisant appel aux émissions télévisées de retrouvailles après avoir perdu leur numéro de téléphone.

Embarquées dans la voiture de ma mère, nous demeurâmes plutôt silencieuses. Je pense qu’elle percevait ma nervosité.

On roule, on roule, et une bosse sur le chemin, et un trou dans la rue, l’habitude, quoi.

Et on tourne le coin de la rue, MA rue…

Là, je sais que c’est dur à croire, mais on roule avec la voiture dans l’entrée de la maison, qui est en pente descendante, donc on descend. (Bon jusque là, ça va.) Et comme l’entrée, que dis-je, le driveway est maintenant rempli d’eau brunâtre, et bien, la voiture s’enfonce dedans. Envoye dans l’eau brune. Je ferme ma fenêtre, maman roule un peu vite et j’ai pas envie de me faire mouiller, pas tout de suite. Je n’ose rien dire, je suis trop occupée à être complètement ahurie. Je me demande comment elle fait pour conduire à l’aveuglette, comme ça, dans l’eau brune. Et surtout, je ne savais pas que GM faisait des bolides waterproof.

On arrive dans le garage, dans lequel une couche d’eau recouvre le sol, environ 10 pouces, je dirais. Je scrape donc mes souliers, me demandant ce qui m’a pris de me pointer ici sans mes bottes de caoutchouc.

Et on entre enfin dans la maison…
C’est sombre.
Toutes les fenêtres ont l’air de hublots, dehors on ne voit que de l’eau.
La maison est entièrement submergée. Pas à moitié. EN-TIÈ-RE-MENT submergée…
Ça se peut pas, je dois rêver.

« Pis, aimes-tu ça? qu’il ose me demander.
-
Ben… j’sais pas… quand est-ce que vous avez fait ça?
--
Ça fait pas longtemps, 2 jours, c’est tout nouveau!
-
C’est sombre un peu, tu trouves-pas?
-
Ben oui (intervention maternelle, ici), il s’en est rendu compte après coup seulement, mais tsé, avec un bassin aussi grand et profond, ça prendrait quelque chose pour entretenir la clarté de l’eau, des tests de PH pis du chlore, probablement…
-
Ben oui… Iiiiiiiiii!!!!! Pis, ça, c’est-tu normal???? »


Tout autour des cadres de fenêtres, l’eau commençait à s’infiltrer. Ça coulait lentement par endroits… à d’autres endroits des flaques avaient commencé à se former sur le plancher. Mon père, paniqué, se rendit compte qu’il avait oublié de sceller les fenêtres… Inévitablement, l’eau allait finir par s’infiltrer partout. Il fallait quitter ce somptueux et mouillé palais de Boisbriand, vous savez, la ville paradisiaque de mon enfance dans laquelle les enfants ne rient pas des premiers de classe. (J’y reviendrai :O) Il fallait s’enfuir, vite, mais le garage était déjà rempli d’eau. Et si on ouvrait une porte, la pression de l’eau entrant dans la maison aurait vite fait de nous tourbillonner à une vitesse folle ou encore de nous assommer contre les armoires de cuisine. La seule issue : monter au grenier, et sortir par le toit. Au-dessus du pignon le plus haut de la maison, il n’y pas épais d’eau, 2 pieds tout au plus. La pression sera moins grande, ce sera plus facile.

Bing bing bang bang, quelques coups de marteau, et le pignon s’ouvre, comme un petit couvercle articulé sur une boîte de bonbons.

À notre grande surprise, il n’y a plus d’eau au-dessus du toit, le niveau a baissé.

De l’autre côté de la rue, une maison est en feu, et les pompiers draînent l’eau de l’étang paternel pour arroser le feu.

Une grosse madame observe la scène et hurle « Je l’savais, j’le savais!! », comme ça, à répétition, en alternant l’emplacement de l’élision dans sa courte phrase, et en se barbouillant tout le visage d’un rouge à lèvres beaucoup trop flashant.

...

...

Bon, ben oui, évidemment, c’est un rêve… (Ou là là! Le PUNCH!!!)

Faut vraiment que je lâche le junk food avant d’aller me coucher.

Peur, quand tu nous tiens...

Dimanche soir, un peu trop tard.
Je rentre d'un souper entre amis, je reviens de Montréal en métro vers Longueuil.
(Mon chéri est parti avec le tracker tout le week-end, je suis donc à pieds.)

Je suis avec mon amie Geneviève pour une bonne partie du trajet du retour, donc, tout va bien. C'est particulièrement agréable de ne pas être seule dans le métro, à faire semblant de savoir où regarder, à baisser les yeux dès que les autres remarquent qu'on les regarde, à tout à coup s'intéresser vivement au tableau électronique qui diffuse les mêmes informations 3 fois la minute. C'est encore plus agréable quand on est en aussi bonne compagnie :O)

Bref, tout va bien, on sort du métro, on marche ensemble, on placote, on prend des raccourcis que je n'oserais peut-être pas prendre seule... rien de bien délinquant, juste des endroits un peu plus isolés, cachés et sombres que les rues remplies de lampadaires. Là, vous devez commencer à me voir venir.

On arrive devant chez Geneviève, elle va rentrer et je vais continuer mon chemin jusque chez moi. Bec, bec, bonne nuit, prends soin de toi, à bientôt, sois prudente, signe de la main. Me voilà seule dans les rues de Longueuil-by-the-beach. Il est sûrement passé minuit.

Ça ne fait pas encore 3 blocs que je marche que la chienne me pogne. Je songe aussitôt à prendre mes clefs dans mon sac à main, et je les tiens en arme redoutable dans mon poing fermé (tout aussi redoutable, me direz-vous). Je marche vite, je respire vite, je pense vite, je me parle intérieurement tellement vite que je pense que je bégaie; même en tapant ceci, juste à y repenser, je tape vite.

Un sous-sol avec de la lumière, par la fenêtre je vois qu'il y a des gens qui sont encore là, réveillés à cette heure. Je ne les connais pas, ils pourraient être des tueurs en série, mais ça me rassure quand même de savoir qu'ils sont là. S'il m'arrive quelque chose, je pourrai crier, il y aura des gens pour m'entendre.

Mon ombre me fait peur. À chaque nouvelle entrée que je croise, j'ai l'impression qu'un maniaque à la tronçonneuse va sortir de sa cachette et me sauter dessus comme un sauvage. (Bon, j'exagère peut-être un peu... Disons plus simplement juste un fou avec un couteau.) Je pense que j'ai trop écouté "Dossier mystère" quand j'étais jeune.

Je tourne sur une rue transversale. Personne à l'horizon, je suis seule à y marcher. Étrangement, c'est épeurant et rassurant à la fois.

Tout devient une question de vie ou de mort. Je joue mon sort à chaque instant. Est-il préférable de marcher du côté sombre de la rue, ou du côté éclairé? Qu'est-ce qui risque le plus de me sauver la vie? Dans la lumière, on n'osera peut-être pas m'attaquer ou me suivre, ça ferait trop évident. Dans l'ombre, on ne me verrait peut-être pas me débattre... Ok, optons pour le côté des lampadaires.

Fuck. Merde. Ça y est, c'est mon destin, mon aventure se termine ici, ce soir, le 22 avril 2007.
Y'a un homme au coin de la rue.

PANIQUE!!

Bon, analysons le tout... Mais qu'est-ce qu'il fait, tout seul, à minuit et quelques, un dimanche soir, sur le coin de la rue? Il travaille pas, lui, demain, comme tout le monde? Et de mon côté de la rue en plus! Est-ce que je devrais traverser et le contourner? Ou feindre l'assurance, marcher d'un pas décidé, et ne pas le regarder?

Si je traverse ici, c'est sûr, il va comprendre que j'essaie de l'éviter, donc que j'ai peur de lui, donc que je suis une proie facile. J'ai trop attendu avant de décider. Bon... J'ai un talent pour feindre l'assurance. Ma thérapie m'aura entre autres servi à savoir ça. Je serre donc mes clefs et j'y vais.

Maudit... on dirait qu'il ne fait rien... Plus j'avance, plus je le vois, il regarde à gauche, à droite, en l'air, il se dandine sur place, il fume une clope... Il n'y a même pas d'arrêt d'autobus à ce coin de rue là, alors il n'est sûrement pas en train de l'attendre...

TOUT D'UN COUP QUE C'EST SA VICTIME QU'IL ATTEND, ET QUE SA VICTIME.... C'EST MOI?????

Bref, vous devinez la suite, je passe vite et je marche fort, le coeur me débat et je me dis que ça ne doit sûrement pas être bon pour ma santé de pomper vite à ce point, je passe les quelques secondes qui suivent à remercier le ciel parce qu'il n'a pas l'air de me suivre, je reste quand même sur mes gardes et je ne me retourne jamais complètement pour vérifier qu'il est bien resté au coin de la rue (ce serait montrer que j'ai peur et ça nuirait sans aucun doute à ma stratégie), je compte les secondes qu'il me reste encore à marcher avant d'arriver chez-moi, je calcule mentalement ma vitesse de marche afin d'éviter d'arriver au prochain coin de rue en même temps qu'une auto y fait son stop (évitons de "tenter le yâble"), j'accélère le pas une fois sur ma rue, la panique s'empare de moi et je me mets à penser qu'on pourrait m'avoir cambriolée pendant mon absence, le méchant-pas-fin est peut-être même encore chez-moi à attendre machiavéliquement mon retour...

Ça y est, j'ai 4 ans et il y a un monstre dans mon placard.

Tout défile très vite dans ma tête... Si je me suis fait voler, les voisins étaient probablement là, ils auront entendu quelque chose... Et s'ils étaient partis pour le week-end? Je vérifie que la voiture des rassurants voisins est bien là dans le stationnement, ça me donne assez de confiance pour être capable de trouver ma clef dans la noirceur, j'ouvre, j'entre, puis je referme, et je rebarre au plus maudit.

Tout est à sa place, et silencieux, je pense que je suis correcte.

Fiou.

Techniquement, je le sais bien que les gens qui vivent dans mon quartier ne sont probablement pas majoritairement des psycopathes. S'ils étaient si nombreux que ça, on en entendrait parler, on le saurait, ils auraient une église, un lieu de rassemblement, un parti politique, quelque chose... Mais non, rien. Un truc de temps en temps dans le journal de Montréal, c'est tout. Un règlement de compte, une bataille de gars saouls. Pas de maniaque en série. Et même s'il y en avait un, j'aurais combien de chance que ça tombe sur moi? Une sur combien? Pas beaucoup, j'imagine. Faut être prudente, c'est sûr... mais bon, je le sais bien qu'il n'y a pas lieu de paniquer. On n'est pas dans le Bronx, quand même...

... mais j'ai eu peur pareil. J'ai eu beau essayer de me convaincre sur le coup, à toutes les 10 secondes au moins, que ma peur était ridicule, j'ai eu peur quand même, comme un animal effarouché.

Pour moi qui me penche beaucoup sur mes peurs de toutes sortes depuis quelques temps, ce n'est qu'une preuve de plus qu'il n'y a rien de rationnel dans tout ça, et que donc, ça ne se raisonne pas. On peut juste vivre avec.

Je ne perdrai donc pas mon temps à me trouver paranoïaque, ni à me dire que ça ne sert à rien d'avoir peur. La prochaine fois, je prendrai un taxi!

samedi 21 avril 2007

Ménage du printemps

11h30: je sors les plantes sur le balcon, et leur envoie une bonne dose de "pouche-pouche". Elles en ont bien besoin.

12h00: je téléphone à ma "mouman" pour lui demander si je devrais mettre mon tapis de salle de bain dans la laveuse... Sait-on jamais, un gâchis est si vite arrivé...

12h30: comme toutes les raisons sont bonnes pour prendre un break, je lui ai parlé une demi-heure, et ce fut, ma foi, fort plaisant :O) . Une fois la pause terminée, j'entreprends de laver tout ce que je vois armée de mon sceau d'eau-au-produit-chimique-nettoyant et de ma bouteille de Windex (tout aussi chimique). (note à moi-même: me renseigner sur les produits nettoyants bio-équitables-greenpeace-friendly pour éviter d'avoir honte la prochaine fois que je décrirai en long et en large mes activités ménagères... :O)

Presque malgré moi, une ritournelle me trotte par la tête tandis que je frotte à gauche, à droite, en tournant, en poussant, en tirant, bref, comme une vraie karaté-kid.

Ménage du printemps
Des hivers de poussière
Plonger tête première
Tout replacer là-dedans

Nettoyer les fenêtres
Ouvrir grand les rideaux
Le soleil dans mon dos
Le vide dans ma tête

C'est déjà loin, déjà
Les histoires qu'on balaie
...


Verrons-nous naître la complainte de la ménagère aujourd'hui??? :O)
Ça mériterait bien une corona!


Épilogue

Après la pause-dîner-bière, notre héroïne perd malencontreusement tout enthousiasme vis-à-vis du grand nettoyage. Résultat: la cuisine se porte déjà mieux, mais quelques tas de poussière traînent encore ici et là... Au moins, le premier moustiquaire a retrouvé son emplacement. C'est déjà ça. Le reste suivra. S'ensuit une longue période de bizounage sur internet, de repos sur le divan devant des émissions insignifiantes et un peu de gratouillage de guitare (toujours tout autant sur le divan). Le bonheur, quoi :O)



Qui suis-je?

Que de temps perdu à me poser la question!!
Après de longues minutes passées devant mon ordi à me demander quel nom je devais utiliser, j'ai finalement opté pour le mien. Je n'en ai qu'un... avais-je vraiment le choix?!
Mais...
Et si mes propos heurtaient quelqu'un?
Et si on me reconnaissait?
Et si on me trouvait ridicule?
Et si je me dévoilais... trop? (héhé, au figuré, bien entendu!)

Bon, bien sûr, il y a ce projet de livre qui me trotte par la tête, et le personnage principal qui vient avec; personnage qui, comme dans tout bon roman de jeune-auteur-québécois-vivant-
sur-le-plateau serait nulle autre que moi-même, mais avec une aura de flou qui fait qu'on demeure dans le doute à savoir si par le plus grand des hasards la fiction qu'on est en train de lire ne serait pas une auto-biographie déguisée en roman. Original, non? Bref, j'ai bien failli utiliser pour pseudonyme le nom de mon personnage, mais... avec quelle satisfaction aurais-je bien pu "me cacher" pour écrire?

Alors voilà, c'est moi pour de vrai, je m'appelle Nathalie, j'ai 30 ans, je suis musicienne et j'étudie au C.R.A.M. pour être psychothérapeute, j'habite Longueuil et j'aime ça même si ce n'est pas très glorieux, j'ai un chum fantastique, des amies fabuleuses, des parents merveilleux, un vélo que je suis très contente de sortir en ce 21 avril, pas d'animal domestique pour le moment, un peu de fatigue accumulée, du lavage à faire, et des moustiquaires à poser. Grosso modo, ça, c'est moi, aujourd'hui. Vous êtes chanceux: pour un premier contact, c'est plutôt léger! En temps normal, je nage un peu plus dans les concepts et un peu moins dans la concrétude.
Ben...
Évidemment, ça dépend des jours.

Je ne sais pas qu'est-ce qui fait que je suis comme ça, je ne sais pas si je le saurai un jour, je ne sais pas si c'est le lot d'un peu tout le monde ou seulement des énergumènes comme moi qui lisent de la psycho et remplissent plein de petits cahiers de réflexions pour essayer de se comprendre, mais... Voilà, je pense que je suis compliquée. Ou plutôt complexe. Je pourrais seulement dire que j'ai la tête bien remplie. Bref, des choses, des questions, des commentaires, des craintes, des projets, des lubies, des idées, des drôleries, des drames aussi, dans ma cervelle, il y en a beaucoup. De l'extérieur, rien n'y paraît, aussi ceux qui ne me connaissent pas intimement pourraient être étonnés en lisant ceci, mais c'est bel et bien là. Des fois je me dis que je n'ai pas besoin d'un pseudonyme pour avoir l'impression d'être un personnage de roman. J'en suis déjà un. Et tant mieux si je vous étonne!

Bon, sur ce, je vais aller rejoindre mes activités concrètes de la journée (on en profite pendant que ça passe, et qu'il fait soleil en plus !).
On se reverra bien assez tôt... :O)