vendredi 25 mai 2007

A +

"Merde. J'vais encore pas savoir où regarder, et il va encore falloir que je cache ma note."

C'est à peu près ce qui se passait dans ma tête quand le professeur annonçait, à la demande générale de mes camarades de classe un peu trop curieux à mon goût, que c'était encore moi qui avait eu la plus haute note.

"Combien qu't'as eu?"

...

Je me souviens des "Combien qu't'as eu?", comme un genre d'intrusion perverse dans mon intimité, comme des attentats à la pudeur déguisés en intérêt véritable pour ma petite personne... Bien sûr que dans un sens, j'étais fière de dire que j'avais eu tout-bon... mais ce n'était pas à moi vraiment qu'on s'intéressait, dans ces moments-là, ni à ma fierté, d'ailleurs. C'était à mes notes, et surtout, à l'écart entre mes notes et celles des autres.

"Comment tu fais??

Je me souviens aussi des "Comment tu fais?", et des regards un peu éberlués qui venaient généralement avec. De l'impression d'être un extra-terrestre aussi, je me souviens.

"Euh... j'sais pas... j'm'en rappelle, c'est tout..."

Moi qui ne me vantait jamais d'avoir de meilleurs résultats que quiconque alors que j'aurais bien pu m'asseoir sur mes 30-points-d'écart-d'avec-la-moyenne, croyez-moi, quand quelqu'un d'autre avait 1 point de plus que moi, ça se savait, et assez vite.

"Je l'ai battue!! Je l'ai battue!"

Comme un vulgaire monstre de jeu vidéo qui nous empêche d'aller au tableau suivant.

"Non mais, j't'ai tu écoeuré en public avec ça, moi, les 72 autres fois dans l'année où j'ai eu 38 points de plus que toi ?"

J'aurais bien aimé être moins douée, mais avoir le sens de la répartie à la place.

* * *

Bon, j'ai aussi mes C - , comme tout le monde. Des D, même. Des ruptures, des doutes, des refus, des recommencements boiteux, ... ah oui, j'ai coulé mon permis de conduire à deux reprises, aussi. :O)

Évidemment, ça pourrait être pire. J'aurais pu sombrer dans la drogue, faire faillite 8 fois en sept ans, mettre le feu à ma maison et me faire prendre par mes assurances ou encore être témoin de la mort sanglante de mes parents adoptifs dans un terrible accident de voiture le jour de Noël. Là, vraiment, j'aurais pu sans vergogne écrire un livre sur mon histoire, et y décortiquer, avec maints encouragements de tous et chacun, les tristes causes de ma vie difficile, ainsi que les sources de ma nouvelle appréciation des choses simples de la vie: travailler comme serveuse, être une humble mère monoparentale, regarder le coucher du soleil des fois, pouvoir offrir de la plasticine qui sent la cerise chimique à mes enfans. Yé.

"Ce soir à Claire Lamarche, spécial "Je m'en suis sorti". "

Non, au lieu de ça, moi, je me contente de problèmes tout à fait banals... subtils, même. Rien qui soit répertorié dans la grande encyclopédie des vrais problèmes. Que des trucs ordinaires desquels on peut toujours se faire dire "Ça aurait pu être pire". Juste des C moins, ou des D.

Bien sûr, mais pour moi, avoir juste 83%, ce n'est pas normal. Vous me trouvez névrosée? Peut-être, sûrement, en fait... comme tout le monde. Mais sachez que je suis loin d'avoir inventé tout ça... Même si j'ai beaucoup aimé la plupart de mes professeurs, tant au primaire qu'au secondaire, j'ai des souvenirs très clairs de la remise de certains travaux ou examens... Je me souviens très bien des "Qu'est-ce qui s'est passé??" notés à l'encre rouge quand j'avais moins que 85, ou plus horrifiant encore, moins que 80... alors que l'habitué-des-échecs du pupitre d'à côté se voyait ensencé par un "Continue ton bon travail!" lorsqu'il dépassait enfin le cap des 65. Deux poids, deux mesure; la norme pour moi, et la norme pour les autres.

* * *

J'ai appris dernièrement quel était mon groupe sanguin.
A +.
Voilà qui explique tout.

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