lundi 23 avril 2007

Peur, quand tu nous tiens...

Dimanche soir, un peu trop tard.
Je rentre d'un souper entre amis, je reviens de Montréal en métro vers Longueuil.
(Mon chéri est parti avec le tracker tout le week-end, je suis donc à pieds.)

Je suis avec mon amie Geneviève pour une bonne partie du trajet du retour, donc, tout va bien. C'est particulièrement agréable de ne pas être seule dans le métro, à faire semblant de savoir où regarder, à baisser les yeux dès que les autres remarquent qu'on les regarde, à tout à coup s'intéresser vivement au tableau électronique qui diffuse les mêmes informations 3 fois la minute. C'est encore plus agréable quand on est en aussi bonne compagnie :O)

Bref, tout va bien, on sort du métro, on marche ensemble, on placote, on prend des raccourcis que je n'oserais peut-être pas prendre seule... rien de bien délinquant, juste des endroits un peu plus isolés, cachés et sombres que les rues remplies de lampadaires. Là, vous devez commencer à me voir venir.

On arrive devant chez Geneviève, elle va rentrer et je vais continuer mon chemin jusque chez moi. Bec, bec, bonne nuit, prends soin de toi, à bientôt, sois prudente, signe de la main. Me voilà seule dans les rues de Longueuil-by-the-beach. Il est sûrement passé minuit.

Ça ne fait pas encore 3 blocs que je marche que la chienne me pogne. Je songe aussitôt à prendre mes clefs dans mon sac à main, et je les tiens en arme redoutable dans mon poing fermé (tout aussi redoutable, me direz-vous). Je marche vite, je respire vite, je pense vite, je me parle intérieurement tellement vite que je pense que je bégaie; même en tapant ceci, juste à y repenser, je tape vite.

Un sous-sol avec de la lumière, par la fenêtre je vois qu'il y a des gens qui sont encore là, réveillés à cette heure. Je ne les connais pas, ils pourraient être des tueurs en série, mais ça me rassure quand même de savoir qu'ils sont là. S'il m'arrive quelque chose, je pourrai crier, il y aura des gens pour m'entendre.

Mon ombre me fait peur. À chaque nouvelle entrée que je croise, j'ai l'impression qu'un maniaque à la tronçonneuse va sortir de sa cachette et me sauter dessus comme un sauvage. (Bon, j'exagère peut-être un peu... Disons plus simplement juste un fou avec un couteau.) Je pense que j'ai trop écouté "Dossier mystère" quand j'étais jeune.

Je tourne sur une rue transversale. Personne à l'horizon, je suis seule à y marcher. Étrangement, c'est épeurant et rassurant à la fois.

Tout devient une question de vie ou de mort. Je joue mon sort à chaque instant. Est-il préférable de marcher du côté sombre de la rue, ou du côté éclairé? Qu'est-ce qui risque le plus de me sauver la vie? Dans la lumière, on n'osera peut-être pas m'attaquer ou me suivre, ça ferait trop évident. Dans l'ombre, on ne me verrait peut-être pas me débattre... Ok, optons pour le côté des lampadaires.

Fuck. Merde. Ça y est, c'est mon destin, mon aventure se termine ici, ce soir, le 22 avril 2007.
Y'a un homme au coin de la rue.

PANIQUE!!

Bon, analysons le tout... Mais qu'est-ce qu'il fait, tout seul, à minuit et quelques, un dimanche soir, sur le coin de la rue? Il travaille pas, lui, demain, comme tout le monde? Et de mon côté de la rue en plus! Est-ce que je devrais traverser et le contourner? Ou feindre l'assurance, marcher d'un pas décidé, et ne pas le regarder?

Si je traverse ici, c'est sûr, il va comprendre que j'essaie de l'éviter, donc que j'ai peur de lui, donc que je suis une proie facile. J'ai trop attendu avant de décider. Bon... J'ai un talent pour feindre l'assurance. Ma thérapie m'aura entre autres servi à savoir ça. Je serre donc mes clefs et j'y vais.

Maudit... on dirait qu'il ne fait rien... Plus j'avance, plus je le vois, il regarde à gauche, à droite, en l'air, il se dandine sur place, il fume une clope... Il n'y a même pas d'arrêt d'autobus à ce coin de rue là, alors il n'est sûrement pas en train de l'attendre...

TOUT D'UN COUP QUE C'EST SA VICTIME QU'IL ATTEND, ET QUE SA VICTIME.... C'EST MOI?????

Bref, vous devinez la suite, je passe vite et je marche fort, le coeur me débat et je me dis que ça ne doit sûrement pas être bon pour ma santé de pomper vite à ce point, je passe les quelques secondes qui suivent à remercier le ciel parce qu'il n'a pas l'air de me suivre, je reste quand même sur mes gardes et je ne me retourne jamais complètement pour vérifier qu'il est bien resté au coin de la rue (ce serait montrer que j'ai peur et ça nuirait sans aucun doute à ma stratégie), je compte les secondes qu'il me reste encore à marcher avant d'arriver chez-moi, je calcule mentalement ma vitesse de marche afin d'éviter d'arriver au prochain coin de rue en même temps qu'une auto y fait son stop (évitons de "tenter le yâble"), j'accélère le pas une fois sur ma rue, la panique s'empare de moi et je me mets à penser qu'on pourrait m'avoir cambriolée pendant mon absence, le méchant-pas-fin est peut-être même encore chez-moi à attendre machiavéliquement mon retour...

Ça y est, j'ai 4 ans et il y a un monstre dans mon placard.

Tout défile très vite dans ma tête... Si je me suis fait voler, les voisins étaient probablement là, ils auront entendu quelque chose... Et s'ils étaient partis pour le week-end? Je vérifie que la voiture des rassurants voisins est bien là dans le stationnement, ça me donne assez de confiance pour être capable de trouver ma clef dans la noirceur, j'ouvre, j'entre, puis je referme, et je rebarre au plus maudit.

Tout est à sa place, et silencieux, je pense que je suis correcte.

Fiou.

Techniquement, je le sais bien que les gens qui vivent dans mon quartier ne sont probablement pas majoritairement des psycopathes. S'ils étaient si nombreux que ça, on en entendrait parler, on le saurait, ils auraient une église, un lieu de rassemblement, un parti politique, quelque chose... Mais non, rien. Un truc de temps en temps dans le journal de Montréal, c'est tout. Un règlement de compte, une bataille de gars saouls. Pas de maniaque en série. Et même s'il y en avait un, j'aurais combien de chance que ça tombe sur moi? Une sur combien? Pas beaucoup, j'imagine. Faut être prudente, c'est sûr... mais bon, je le sais bien qu'il n'y a pas lieu de paniquer. On n'est pas dans le Bronx, quand même...

... mais j'ai eu peur pareil. J'ai eu beau essayer de me convaincre sur le coup, à toutes les 10 secondes au moins, que ma peur était ridicule, j'ai eu peur quand même, comme un animal effarouché.

Pour moi qui me penche beaucoup sur mes peurs de toutes sortes depuis quelques temps, ce n'est qu'une preuve de plus qu'il n'y a rien de rationnel dans tout ça, et que donc, ça ne se raisonne pas. On peut juste vivre avec.

Je ne perdrai donc pas mon temps à me trouver paranoïaque, ni à me dire que ça ne sert à rien d'avoir peur. La prochaine fois, je prendrai un taxi!

1 commentaire:

Peter a dit...

Full hot ma Nath. Faudrait juste que tu publies!!!