lundi 23 avril 2007

Splish splash

Tout a commencé avec un peu d’eau.
Juste un p’tit peu d’eau, même pas un étang : une flaque sur le terrain, derrière la maison familiale.

Mon père, voyant la flaque stagnante, en a profité pour voir grand.

« Me semble ça s’rait beau, un aménagement paysager avec de l’eau…
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Ben, j’sais pas, là, mais, me semble.
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On pourrait mettre des grosses roches, là, pis 2-3 p’tites cascades, ça ferait un beau p’tit bruit. Pis au bout du parcours, un beau grand étang, juste là.
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Tu trouves pas?
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Ben j’sais pas, là…. Ouin, peut-être, si tu veux.
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Avec des poissons pis toutte dans l’étang. »

En peu de temps, tout le monde y était, amis, matantes et mononcles, pour donner son avis. Plantes sorties à l’extérieur pour simuler l’emplacement des arbustes, fausses roches et autres objets charmants pour représenter les pierres et les nains de jardin, bruits de bouches enthousiastes pour donner un avant-goût du « beau p’tit bruit ».

Chhhhhh……..Chhhhhh……. pliiiiic…..plouuuuuuc….

Quelques semaines et 2-3 expéditions chez Rona plus tard, tout était là. Les plantes, les roches, l’étang, les poissons, les plic-ploucs qui donnent envie de pipi. Personne à vrai dire n’avait vraiment cru que ça se rendrait là; vous savez, mon père, des lubies, il en a eu plusieurs. Mais là, ça y était, et même, c’était beau.

« Ça serait le fun que l’étang soit plus grand encore…
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Ah ouin, tu trouves?...Pourquoi?
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Ben, le terrain est immense, pis l’étang est tu-seul, comme ça, tout petit au beau milieu.
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Pis?
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Me semble ça a l’air fou.
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… (air désabusé)
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J’avais pensé, aussi, tant qu’à le faire grand grand, pis à avoir à creuser pour le faire, on pourrait juste remplir le terrain d’eau.
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Quoi??
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Ben oui, tsé, la maison est dans le creux du terrain, il y en aurait à peu près jusqu’aux rebords des fenêtres, ça serait spécial, personne aurait jamais vu ça!
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Ah ben oui, hein, pis tu pourrais te partir un élevage de nénuphars résidentiels, tant qu’à y être. »

Bon, je pense que c’est évident, j’étais sûre qu’il niaisait. C’est connu, moi, je suis poisson… j’ai donc embarqué sur le coup, m’inquiétant pour sa santé mentale, mais finalement, les changements de sujets ont eu raison de mon diagnostic, et je suis repartie chez-moi libre de toute inquiétude. Il m’avait sûrement niaisée. Et sinon, ben… que dire… ça lui passerait.

Vous vous doutez de la suite, non?

Lors de ma visite parentale suivante, c’était fait. L’étang tellement grand qu’il occupait tout le terrain. L’eau qui faisait des clapotis contre le bas des murs de la maison, comme contre une belle grande chaloupe. Charmant.

À vrai dire, c’est à partir de là que j’ai commencé à décrocher. Non mais, vous savez, avoir un père fou, ce n’est pas nécessairement facile. Faire la conversation, avoir l’air enthousiaste, intéressée, convaincue pendant que l’autre vous raconte des trucs tous plus abracadabrants les uns que les autres… sans compter les pantalons mouillés… Bref, j’ai décroché. J’ai divorcé mentalement du lien parental. Je suis partie ce soir là en me jurant que je ne reviendrais plus.

* * *

Pendant plusieurs mois, ça a été vrai, j’y ai cru, à mon divorce. Pas de nouvelles, pas de visite. Pas de email, de carte de fête par la poste, pas même de rencontre au restaurant. Rien.

Évidemment, ça n’a pas duré.

Je suis bien trop fille-à-son-papa pour ça. J’aime bien ma maman, aussi. J’y suis donc retournée, mais en exigeant de ma mère qu’on se rencontre d’abord, elle et moi, dans un endroit neutre.

« D’après toi, est-ce qu’il est viré su’l top??
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Ben non… t’sais, ton père, il a toujours été un peu de même…
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Comment, « de même »? Maniaque des étangs?
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Ben non, pas pour les étangs. Pour toutte. Quand y part su’queq’chose, y part en grande.
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Ouin. (dis-je d’un ton bête)
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Pis y fait pas les affaires à moitié.
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Tu l’as dit. (dis-je d’un autre ton bête)
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Mais moi j’me dis : si ça le rend heureux, pourquoi pas.
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Ben tiens.
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Ah!! Lâche-moi ton air bête, ok? Moi aussi je trouvais ça fou, au début, surtout que les voisins nous parlent plus…
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… Qu’est-ce qui t’a fait changer d’idée?
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Ben, j’sais pas, au fond… Peut-être que j’me suis juste habituée à voir le décor de même, plein d’eau, les tapis d’entrée toujours mouillés, les clapotis contre les murs, les poissons qui sautent dans la cour… C’est juste pas habituel pour la plupart des gens, mais c’est comme n’importe quoi d’autre : on s’y habitue. Et puis ton père, depuis qu’il a son étang, j’sais pas ce qu’il a, mais… y’est pu pareil.
-
Pis ça, c’est bien ou c’est pas bien?
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Non non, en bien, j’te jure! Il chiâle jamais sur rien, il est toujours content, les deux yeux dans la graisse de bine, il est affectueux…
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Ok, ok, c’est beau!! Ça va!
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Viens donc faire un tour, tu vas voir. Pis y va être content de te voir.
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-
Envoye donc…
-
…mmmmouin. Ouin, ok. »

Cœur d’enfant, quand tu nous tiens…

J’y suis allée. C’est vrai que je m’ennuyais d’eux. J’suis pas le genre à parler à ma mouman au téléphone à tous les jours, comme d’autres filles que je connais, mais quand même. Des mois, comme ça, sans les voir… je me voyais déjà faisant appel aux émissions télévisées de retrouvailles après avoir perdu leur numéro de téléphone.

Embarquées dans la voiture de ma mère, nous demeurâmes plutôt silencieuses. Je pense qu’elle percevait ma nervosité.

On roule, on roule, et une bosse sur le chemin, et un trou dans la rue, l’habitude, quoi.

Et on tourne le coin de la rue, MA rue…

Là, je sais que c’est dur à croire, mais on roule avec la voiture dans l’entrée de la maison, qui est en pente descendante, donc on descend. (Bon jusque là, ça va.) Et comme l’entrée, que dis-je, le driveway est maintenant rempli d’eau brunâtre, et bien, la voiture s’enfonce dedans. Envoye dans l’eau brune. Je ferme ma fenêtre, maman roule un peu vite et j’ai pas envie de me faire mouiller, pas tout de suite. Je n’ose rien dire, je suis trop occupée à être complètement ahurie. Je me demande comment elle fait pour conduire à l’aveuglette, comme ça, dans l’eau brune. Et surtout, je ne savais pas que GM faisait des bolides waterproof.

On arrive dans le garage, dans lequel une couche d’eau recouvre le sol, environ 10 pouces, je dirais. Je scrape donc mes souliers, me demandant ce qui m’a pris de me pointer ici sans mes bottes de caoutchouc.

Et on entre enfin dans la maison…
C’est sombre.
Toutes les fenêtres ont l’air de hublots, dehors on ne voit que de l’eau.
La maison est entièrement submergée. Pas à moitié. EN-TIÈ-RE-MENT submergée…
Ça se peut pas, je dois rêver.

« Pis, aimes-tu ça? qu’il ose me demander.
-
Ben… j’sais pas… quand est-ce que vous avez fait ça?
--
Ça fait pas longtemps, 2 jours, c’est tout nouveau!
-
C’est sombre un peu, tu trouves-pas?
-
Ben oui (intervention maternelle, ici), il s’en est rendu compte après coup seulement, mais tsé, avec un bassin aussi grand et profond, ça prendrait quelque chose pour entretenir la clarté de l’eau, des tests de PH pis du chlore, probablement…
-
Ben oui… Iiiiiiiiii!!!!! Pis, ça, c’est-tu normal???? »


Tout autour des cadres de fenêtres, l’eau commençait à s’infiltrer. Ça coulait lentement par endroits… à d’autres endroits des flaques avaient commencé à se former sur le plancher. Mon père, paniqué, se rendit compte qu’il avait oublié de sceller les fenêtres… Inévitablement, l’eau allait finir par s’infiltrer partout. Il fallait quitter ce somptueux et mouillé palais de Boisbriand, vous savez, la ville paradisiaque de mon enfance dans laquelle les enfants ne rient pas des premiers de classe. (J’y reviendrai :O) Il fallait s’enfuir, vite, mais le garage était déjà rempli d’eau. Et si on ouvrait une porte, la pression de l’eau entrant dans la maison aurait vite fait de nous tourbillonner à une vitesse folle ou encore de nous assommer contre les armoires de cuisine. La seule issue : monter au grenier, et sortir par le toit. Au-dessus du pignon le plus haut de la maison, il n’y pas épais d’eau, 2 pieds tout au plus. La pression sera moins grande, ce sera plus facile.

Bing bing bang bang, quelques coups de marteau, et le pignon s’ouvre, comme un petit couvercle articulé sur une boîte de bonbons.

À notre grande surprise, il n’y a plus d’eau au-dessus du toit, le niveau a baissé.

De l’autre côté de la rue, une maison est en feu, et les pompiers draînent l’eau de l’étang paternel pour arroser le feu.

Une grosse madame observe la scène et hurle « Je l’savais, j’le savais!! », comme ça, à répétition, en alternant l’emplacement de l’élision dans sa courte phrase, et en se barbouillant tout le visage d’un rouge à lèvres beaucoup trop flashant.

...

...

Bon, ben oui, évidemment, c’est un rêve… (Ou là là! Le PUNCH!!!)

Faut vraiment que je lâche le junk food avant d’aller me coucher.

1 commentaire:

Gilles et Andrée a dit...

Bonjour Nathalie

Deuxième essai pour te faire parvenir mon commentaire. J’ai perdu mon premier texte en essayant de te le transmettre. Je t’avais dis que je t’écrirais lors de notre dernière rencontre en juin 2008 (concert de la chorale du Cégep de St-Jérôme).

La première fois que je t’ai aperçu c’était il y a ±12 ans à un concert de la chorale où chantait ma conjointe Andrée sous la direction de Marie-Paule. Je ne pouvais pas me détourner de la belle pianiste talentueuse qui accompagnait ce jeune choeur.

Plus tard j’ai rejoint la chorale à titre de choriste très inexpérimenté et j’ai pu alors côtoyer de près la belle pianiste talentueuse. J’ai alors découvert une très belle personne, très douée, très gentille et très appréciée de tous le monde, d’une grande humilité et qui m’impressionnait parce que justement elle ne cherchait jamais à impressionner les autres personnes. J’ai toujours eu beaucoup d’admiration pour ce genre de personnalité.

Mais j’ai eu un grand choc un certain soir dans un petit restaurant de Prévost où tu te produisait avec ton ex. J’ai appris en même temps que plusieurs autres amis venus t’encourager ce soir là que tu chantais merveilleusement tes propres compositions!Que tu performais à des concours de chants prestigieux! Quel talent!!!

J’ai compris plus tard, en lisant ton blog ‘Sous la pointe de l’iceberg’ qui tu étais vraiment et pourquoi peut-être ta très grande humilité naturelle aurait peut-être nuie à ta carrière d’artiste. En effet, tu devais allée loin dans la vie…J’aurais le goût de te dire, fonce Nathalie, lâche pas, tu es jeune et il y a tant d’opportunités qui peut se présenter. T’as même beaucoup de talent pour l’écriture. D’un autre coté j’espère que tu ne changeras pas trop, parce qu’il y a beaucoup de monde qui apprécie la personne que tu es. Le succès d’une vie ne se mesure pas toujours avec la notoriété publique, mais peut-être plus avec le bonheur qu’on créé autour de soit.

Bonne continuité dans la sérénité

D’un admirateur silencieux

Gilles Labarre